Mon top 6 d’entrepreneurs à suivre (1/2)

Article : Mon top 6 d’entrepreneurs à suivre (1/2)
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4 juillet 2016

Mon top 6 d’entrepreneurs à suivre (1/2)

Je ne peux pas vous présenter mon top 6 d’entrepreneurs à suivre sans vous raconter l’histoire qui m’a submergé quand j’ai pensé à écrire ce billet. Comme titre, j’allais opter pour “Ces entrepreneurs qui m’inspirent” quand je me suis surprise à me réprimander sur ce choix.

J’ai développé tout un argumentaire dans ma tête pour me rappeler que ce titre n’était pas adéquat et que la raison était simple : le seul entrepreneur qui m’inspire sur cette terre est ma mère. Ah, je vois vos têtes d’ici. Je vous entends me traiter de ringarde. Je lis votre déception depuis la table de café parisienne où je souris bêtement quand je vois un rare rayon de soleil taper sur mon carnet de note. Mais ne soyez pas déçus, ce n’est pas un cliché. Quand la mode “Entrepreneuriat” est apparue ces dernières années avec son lot de dérivés, qui vous donne les 5 qualités d’un entrepreneur à avoir ou qui vous informe sur les 5 habitudes des entrepreneurs qui réussissent ou qui vous divulgue les secrets des entrepreneurs qui ont réussi, Mum est apparue comme une évidence pour moi.

Femme sénégalaise

Dans les années 2000, elle s’était lancée dans le commerce. Activité exercée par quelques rares personnes à l’époque et qui a connu un boom au Sénégal ces dernières années. Avec un capital initial de 100 000 FCFA (152€), elle vendait de petites montres et des sacs à mains à ses copines. Mais toute cette vente était faite en cachette, car son petit mari était contre cette activité. Ce dernier avançait cet argument qui avait ce don de réveiller le petit volcan qui sommeillait chez la petite fille que j’étais : “tu n’as pas besoin de travailler”. Mum non plus n’aimait pas cette affirmation. Elle a convoqué tous les membres de la famille pour convaincre son homme. Aucun résultat. Le mari est têtu. Les meilleurs amis sont passés à la maison, les arguments pleins la bouche pour persuader le copain borné. Rien n’y fit. Alors elle décida de jouer sur sa fibre religieuse. Popopopopopo! Error Mum! « Si ma famille et mes amis n’ont pas réussi à me convaincre, ce n’est pas une bande de vieux avec de longs chapelets et des cheveux gris qui y feront quelque chose”, avait rétorqué le petit mari. Ce papa baobab, je l’aime et le déteste à la fois. Et sur cette réplique avec les prieurs assidus, qu’est-ce que je l’ai “kiffé”!

Puis les jours, les semaines et les mois passèrent. Elle continuait son commerce, toujours en cachette, avec la complicité de mon frère et moi. Quand elle rentrait tard de ses livraisons de marchandises et que cela coïncidait avec un coup de fil du petit mari, on disait qu’elle avait raccompagné un parent. Ou alors, qu’elle prenait sa douche. Ou encore, qu’elle priait! J’écris ces mots et j’ai l’impression de raconter une histoire qui date du siècle dernier. Bref! Le temps passait et presque tous les week-ends, les clientes de Mum passaient à la maison pour soit payer la marchandise due, soit pour demander la date du prochain arrivage d’accessoires. Inévitablement, ces visites étaient les causes de disputes entre les adolescents de 40 ans qu’ils étaient. Il y avait aussi des moments où Mum promettait de tout arrêter. Tu parles!

Elle n’a jamais arrêté le commerce. Elle voulait être financièrement indépendante et le commerce la passionnait. Elle en avait la fibre. Son désir d’indépendance et sa passion pour cette occupation étaient plus forts que le refus du petit mari. Très vite, les carnets de commande ont commencé à remplir les tiroirs de la cuisine. Les allées et venues  des clientes à la maison se poursuivaient, s’accentuaient et agaçaient même l’aide ménagère de Mum. Cette dernière ne se séparait plus de cette grosse calculatrice grise avec de gros boutons où on voyait de loin s’afficher de multiples zéros. Telle une geek avec son ordinateur, elle ne quittait jamais cette machine. On la trouvait toujours à côté d’elle, près de son tapis de prière, parfois entre deux assiettes et très souvent sous son oreiller… Et puis cela sautait aux yeux qu’elle s’épanouissait. Les gamins que nous étions n’avions noté aucun changement entre Mum avec ou sans activité professionnelle. Elle était une lionne dans la tenue de la maison et une lionne dans la gestion de son commerce. Il y eut des périodes creuses où nous pensions que c’était fini, que l’envie de se lancer dans le commerce n’était que passagère, éphémère. Que nenni! J’ai compris plus tard que ces périodes étaient dures parce que les clients ne respectaient pas leurs engagements.

Avec l’obstination de Mum et sa constance dans la durée, nous avons assisté  à l’érosion du NON de petit mari. Son homme a finalement accepté et surtout compris qu’il ne pourrait jamais l’empêcher de travailler. Avec ou sans son accord, elle ferait du commerce. Aujourd’hui, il assure la réception de la marchandise au Port Autonome de Dakar et livre les produits chez certains clients. Très souvent, il se transforme en chauffeur pour Mum, lorsque cette dernière doit rencontrer ses fidèles acheteurs. Aujourd’hui encore, c’est le premier testeur de tous les produits hommes de Mum et assure leurs ventes auprès de ses amis et collègues de la gente masculine.

En ma mère, j’ai vu une Entrepreneure. Une passionnée. Une motivée. Une persévérante. Une obstinée. Elle est tombée plusieurs fois (ses moments de discorde avec sa moitié, ses chiffres négatifs sur la calculatrice grise, etc..) mais elle se relevait toutes ces fois pour continuer son activité. Elle était convaincue et elle l’a convaincu. Par les actions. La vision. L’envie. La tenacité. N’est-ce pas qu’il en faut pour être un bon entrepreneur?

La capture d’écran de l’histoire de Mum et de petit mari me fait penser aujourd’hui à tous ces entrepreneurs passionnés par leurs projets mais bloqués par un banquier ou un entourage ou un investisseur frileux. Elle me fait également penser à toutes ces portes fermées à l’entrepreneur au début de son aventure et à toutes celles qui s’ouvrent à lui à force d’acharnement et de persévérance. Nous en avons des exemples qui pullulent sur la toile.

J’avais besoin de raconter cette histoire pour laisser des traces écrites à mes petits frères qui n’ont pas connu cette période. J’avais besoin de partager cette histoire pour rappeler que n’avons pas forcément besoin des secrets de Bill Gates, Marc Zukerberg ou Youssou Ndour pour être un bon entrepreneur ou pour réussir. Certes, elles ne pas sont célèbres mais nos mères Africaines sont les premières entrepreneures (riches ou pas) et bien meilleurs modèles qu’on ne le pense. Elles s’y sont mises avant que ce mot “Entrepreneur” soit aussi sexy, beau et prisé par tous. Les qualités et secrets que nous cherchons ailleurs, chez les autres, sont sous notre nez. Il suffit de lever la tête sur notre entourage proche. Maintenant, vous savez pourquoi je ne peux pas donner ce titre “ces entrepreneurs qui m’inspirent” à ce billet. Mum est incontestablement celle qui m’inspire le plus quand on me parle entrepreneuriat.

J’ai donc opté pour le nullissime et générique titre “Mon Top 6 d’entrepreneurs à suivre”. Mais attention, ils sont inspirants. Ils font rayonner le Sénégal et le feront davantage avec notre implication et reconnaissance. Allez venez, je vous les présente, à ma manière, ici.

Aminata THIOR

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Commentaires

Daouda DEME
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Beau article

Aminata THIOR
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Merci :-)