Lettre à Badou …

Article : Lettre à Badou …
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23 novembre 2020

Lettre à Badou …

« Hello » Badou,

Tous les articles de ce blog, tu faisais partie des premiers à les lire. Tu ne liras pas cette lettre tout de suite mais je vais te la lire à haute voix quand ce sera le moment. Quand tu seras bien reposé, là- bas, dans ton nouveau chez toi.

Cela fait une semaine que tu es parti. Sans me prévenir. Comme ça, de manière brute. J’ai cru que c’était une erreur. Une fake news sur Twitter. J’ai écrit à toutes les personnes qui t’ont tagué pour annoncer ta disparition. Je leur ai demandé si elles étaient sûres de cette information, si ce n’était pas une malheureuse confusion sur les Badou. Combien de fois a-t-on annoncé la mort d’un tel ou d’un autre, alors que c’était une erreur ? Je priais au fond de moi pour que ça soit le cas pour toi : une grossière erreur sur le Badou. Mais en fait non, elles étaient toutes unanimes : “Badou est bien parti Madame” me répondaient-elles.

Puis j’ai senti ma poitrine se compresser provoquant une douleur inouïe. J’ai perdu la voix pendant 10 minutes, je ne pouvais rien dire à l’humain devant moi qui me demandait ce que j’avais, et pourquoi je pleurais, alors qu’un quart d’heure plus tôt je rigolais à une de ses blagues pourries. J’ai voulu lui répondre mais les mots ne sortaient pas de ma bouche. Je me dirigeais vers ma bibliothèque en larmes et lui tendis tous les bouquins que tu m’envoyais régulièrement. Je lui faisais des gestes en direction de ces bouquins toujours en larmes et en essayant de sortir des mots, mais en vain. Je finis par lâcher : “Badou est mort ». Il me lança un “Oh” gorgé de grande tristesse et me prit dans ses bras. Puis là, je lui sortis tous les mots bloqués dans ma gorge il y a quelques minutes : « C’était mon ami, le genre d’ami que tu ne vois pas tous les jours. Celui qui est là pour rendre service, pour écouter, pour partager, pour échanger. »

C’était un follower, (devenu cet ami) qui me suivait sur ma chaîne YouTube littéraire puis sur mon blog. Il adorait les livres et il raffolait de tout article ou vidéo portant sur des parcours d’excellence. C’était ça qui nous liait d’ailleurs : les livres et le désir d’excellence. 

Il était jeune. Brillantissime. Généreux. Courtois. Assoiffé de savoir. Jeune cadre. Jeune marié. Le fils idéal, le gendre idéal, l’ami idéal.

Je viens de lire sur Twitter que Badou est parti. Mort. Je ne déjeunerai plus jamais avec lui quand je serai à Dakar. Il ne m’enverra plus de livres, de Dakar à Paris. On ne parlera plus des prochains concours qu’il voulait passer pour avancer dans son parcours professionnel. Ni de ses prochains voyages qu’il aimait tant faire pour élargir ses horizons. Badou est parti. 

L’humain devant moi se souvenait de toi et il était aussi peiné que moi. J’ai pleuré entre 23h et 3h du matin. J’étais sous le choc. Je le suis encore. Question bête mais je me suis demandée pourquoi j’avais si mal pour ta disparition, car tous les jours, je perds quand même des proches ou des connaissances. J’ai une réponse approximative. Je suis profondément consternée par ton départ parce que tu n’étais pas uniquement un follower avec qui j’échangeais par messages sur Twitter ou WhatsApp. Tu étais celui que j’ai vu et écouté. Celui avec qui je débattais en ligne et hors ligne. Parce que j’admirais ta soif d’apprendre. J’admirais ton humilité et ta sérénité. J’admirais ton côté naturel et généreux. Tu voulais faire de grandes choses pour toi et pour le Sénégal. Et tu souhaitais que tout le monde ait les moyens de faire de grandes choses pour soi-même et pour le pays. Voilà, j’admirais ton “toi”. Ton “être”. Cette chose naturelle en toi que tu avais, et qui faisait que tu impactais la vie des gens sans le chercher Badou. Voilà pourquoi, je crois, j’ai eu si mal à l’annonce de ton départ. De par ton savoir et de par la valeur que tu apportais aux personnes qui ont eu la chance de croiser ton chemin, ton départ constitue une immense perte pour tes proches et pour le pays.

J’ai encore mal et je n’arrête pas de parler de toi autour de moi. Quelqu’un m’a dit cette semaine, que tu n’étais pas totalement parti, que je devais garder le lien avec toi. Boff, “je ne crois pas en ça moi”, lui rétorquais-je dans ma tête. Puis au final, je reconnus qu’il avait raison. Je ne veux pas t’oublier, je ne veux pas que les gens t’oublient (même si je n’ai pas de contrôle sur ça). Puis je me suis rappelée comment on s’est connu … C’était ici, dans ce blog, à travers des articles sur les livres et sur des parcours scolaires et professionnels d’excellence. Pour ne pas t’oublier, oublier tes valeurs, j’ai décidé de t’écrire cette lettre ici, dans ce pitoyable blog que j’aime tant pourtant et que tu aimais beaucoup lire aussi. 

Ainsi, la frénésie du quotidien ne me fera pas oublier l’impact que tu as eu dans ma vie. Tes valeurs, je travaillerais pour les intégrer. Je continuerai à te partager mes trouvailles sur WhatsApp et Twitter. Je t’envoie tout à l’heure 2 vidéos sur les parcours de Bocar Samba Dieye et Boubacar Camara. Tu vas adorer et pleurer de joie et de rage en même temps pour ton pays. Je les ai regardées cette semaine et cela m’a fait penser à toi. Enfin, tu me diras ce que tu en penses. Je te détaillerai mes retours dessus plus tard.

De ton côté, envoie-moi tout ce que tu trouveras d’intéressant là-bas. Tel que je te connais, tu continueras d’apprendre des gens qui t’entourent là-bas et d’impacter leurs « vies ». Tiens, si jamais tu croises Ousmane Sembène, bombarde-le de questions pour moi s’il-te-plaît, j’aimerais bien savoir comment il bouscule son monde là-haut. Et puis c’est le genre de personnes que tu aimais lire et écouter… Prends note de tout et fais-moi un compte rendu de votre échange, de tout ce que tu apprendras là-haut. Sur WhatsApp ou Twitter ou ailleurs, comme tu préfères.

A bientôt Badou.

PS : Une petite réflexion que je souhaite partager quand même avec toi. Je n’aime pas le rythme soutenu du monde dans lequel nous vivons. Un monde accéléré où on consomme les annonces de décès comme on tweete ou comme on aime une publication Facebook. Des anonymes et personnalités meurent dans l’indifférence (presque) totale. On annonce leurs départs en quelques minutes. On émet quelques prières et témoignages, puis on se laisse absorber par les milles et un autres sujets de la vie. On ne ressent pas ou plus ce temps d’arrêt et de recueillement pour ceux qui partent. Tiens, par exemple, cette année, il y a eu le départ de nombreuses personnalités sénégalaises avec qui tu cohabites aujourd’hui. Elles avaient accompli de grandes actions pour le Sénégal et j’ai été frustrée de voir à quel point on est rapidement passé à autre chose après leur mort. C’est terriblement injuste.

On devrait, d’une manière ou d’une autre, trouver le moyen de nous faire profondément ressentir ces pertes humaines. Par exemple, quand tu es parti, je voulais avoir une baguette magique pour mettre pause sur le monde et insuffler à chaque être humain sur terre, ta grandeur. Je voulais faire ressentir au monde,  l’importance de ton départ. Je trouve que chaque être humain qui perd un proche sur cette terre, devrait avoir et user de cette baguette magique. J’ai peur et j’ai horreur de toutes ces excitations internes et externes, ces distractions j’ose dire, qui atténuent drastiquement nos émotions face à la mort. J’ai peur.  Tu me diras ce que tu en penses aussi …

J’ai demandé à Seynabou, ta moitié, si elle m’autorisait à publier ta photo dans cette lettre que je t’adresse. Non seulement elle m’en donne la permission mais elle m’a transmis plusieurs photos de toi et m’a demandé de choisir celle que je préférais. Je l’interrogeai sur sa photo préférée parmi celles envoyées. Elle me répliqua que mon choix serait le sien, et que de toutes les façons, tu étais beau sur toutes les photos. J’ai souri de joie. J’ai voulu la prendre dans mes bras et la remercier chaleureusement. 

Elle a raison, Badou. Tu étais beau. Beau plus que physiquement. Beau dans tous les sens du terme. 

Cela m’a fait du bien de te parler. J’ai maintenant la certitude que je ne t’oublierai jamais. Repose-toi bien.

A bientôt l’ami. A bientôt.

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Commentaires

M.NDIAYE
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Quelle belle lettre qui ma profondément touché sans connaître ni l'une ni l'autre, quelle belle amitié. Que son âme repose en paix, il ne sera jamais oublié tant qu'il sera dans le cœur et les souvenirs

Salimata
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Exceptionnel badou!

Amadou ba
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Amina les mots que tu as rédigé m' ont coupé le souffle badou étais un grand frère un ami à moi j'ai pas les mots mais que firdawsi soit sa demeure éternel et merci pour la lettre

Sarr
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Émouvant ! Mais que faire devant la volonté divine?
Accepter et prier pour qu'il repose en paix au paradis.

papa Mamour THIAW
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C'est touchant. Je ne l'ai mais tous les camarades énarques ont fait repris les mêmes témoignages. Paix à son âme